L’industrie brassicole est un milieu hautement complexe. Entre la production, la distribution, la vente, la représentation, et j’en passe, cette industrie multi systémique est très difficile à suivre. Avec actuellement plus de 250 permis de brassage (tant artisanal qu’industriel) au Québec, il est tout à fait normal de ne pas pouvoir être au courant de tout ce qui se passe. En plus d’être excessivement complexe, cette industrie se transforme constamment. Après 4 ans de travail en tant que conseiller spécialisé au Bièrologue, et grâce à une avide curiosité envers le milieu, il m’a été possible de constater une très large panoplie de tendances et de modes qui ont changées la face de l’industrie brassicole. Ainsi, durant un mois, les brasseries concentrent leurs énergies sur les bières acidulées et durant un autre, ce focus changera vers les bières noires. Un exemple excessivement révélateur de ce constat est l’actuel engouement pour les IPA (India Pale Ale) inspirées par le Nord-Est des États-Unis, les fameuses NEIPA (New England India Pale Ale).
Lors de mon introduction au sein du monde brassicole, ce style de bière était assez rare et peu en demande. Les consommateurs en quête d’IPA étaient plutôt à la recherche de bières telles que la Yakima de la Microbrasserie Le Castor ou encore La Moralité de Dieu Du Ciel. Aujourd’hui, la scène brassicole a bien changé et il est presque impossible d’entrer chez un détaillant spécialisé et de ne pas entendre les échos de clients demandant la IPA du Nord-Est de Boréal ou la dernière version de la HYPA de la Brasserie du Bas Canada. Ces changements sont très rapides et, en un laps de temps très court, le consommateur moyen peut perdre rapidement ses balises. Mais alors comment fait pour s’y retrouver? Comment garder ses repères à jour? La réponse : l’éducation brassicole.
Un manque à combler
Je qualifierais l’éducation brassicole par un apprentissage des termes, styles et processus associés à la fabrication de la bière. Bien que cette définition semble bien simple, elle implique des éléments assez complexes. Durant mon emploi dans la vente au détail de bière de spécialité, j’ai eu la chance d’acquérir une grande diversité de connaissances brassicoles. Et c’est en discutant avec des gens possédant de l’expérience dans le détail spécialisé et des personnes solidement impliqués sur la scène brassicole comme les brasseurs, représentants, etc., que j’ai été en mesure d’accumulé toutes ces connaissances.
Par exemple, il y a 4 ans, je n’aurais pas pu vous expliquer la différence entre une Pale Ale et une Pilsner ou encore l’impact d’un affinage en barrique de chêne sur la texture d’une bière. J’ai vite constaté que ces informations n’étaient pas démocratisées et surtout méconnues d’une assez grande proportion de la clientèle amatrice de bières de microbrasseries. La nécessité d’un conseiller ou encore d’un ami connaisseur devient alors nécessaire afin de découvrir le monde complexe de la bière artisanale. Et c’est là où, selon moi, l’industrie brassicole est lacunaire : il y a un grand manque de connaissance au niveau de la terminologie et du processus brassicole au Québec et cela devrait être plus largement adressé.
L’exemple que je donnerais pour illustrer ce propos est le concept du Dry Hop. On voit de plus en plus le terme Dry Hop ou encore Double Dry Hop sur les canettes depuis près d’un an. Alors que certains associent ce terme à une bière houblonnée avec des notes très tropicales, la plupart sont encore dans l’ignorance à savoir ce que ce terme veut réellement dire. Beaucoup de consommateurs finissent simplement par identifier des termes qu’ils voient souvent sur leurs bières préférées et achètent aveuglément les nouvelles bières présentant ces mêmes termes. Malgré le fait que cette approche peut porter ses fruits, il n’en demeure pas moins que cela peut facilement induire en erreur.
Les acteurs de l’éducation brassicole
Il est apparent qu’il y a un manque de connaissance brassicole chez une grande partie des consommateurs de bières artisanales au Québec. Une clientèle mieux informée serait grandement bénéfique pour l’industrie. Le fait est que cette éducation n’a pas besoin d’être exhaustive. L’acquisition de connaissance de base est en effet assez aisée et l’information est définitivement disponible. Vers quelle direction se tourner alors? Où est-il préférable d’aller chercher cette information?
La réponse la plus évidente est de s’informer directement auprès des microbrasseries. Généralement, les microbrasseries transmettent sur leurs produits une bonne quantité d’informations (style de la bière, houblons utilisés, levure employée, etc.) Ainsi, une dégustation des divers produits d’une seule brasserie permet de se construire une bonne base de connaissances concernant les styles. La morale est la suivante : lire l’étiquette est une excellente technique pour en savoir plus! Toutefois, les brasseries prennent souvent des libertés créatives quant à l’interprétation des styles et il faut faire usage de son esprit critique; chaque bière est unique! Ainsi, il ne faut pas hésiter à contacter les brasseries lorsque des questions émergent à propos de leurs produits.
Une autre façon d’avoir plus d’informations sur les produits brassicoles est de se référer à un détaillant spécialisé. L’association des détaillants spécialisés du Québec (DBSQ) compte actuellement 32 membres et 46 détaillants au Québec répartis un peu partout à travers la province. Ces détaillants emploient du personnel bien outillé dans le domaine brassicole et peuvent constituer de bons guides pour les gens en quête d’informations. Évidemment, la contribution de ces conseillers est à nuancer. Il est certain qu’il est particulièrement difficile de décrire parfaitement une bière, puisque le goût est subjectif à chacun. Par contre, les conseillers sont souvent au fait des nouveautés et des mouvances en termes de tendances et sont aptes à répondre aux questions de base en matière d’éducation brassicole.
Enfin, pour les lecteurs plus avancés dans leurs apprentissages brassicoles, il existe d’autres sources utiles comme les professionnels brassicoles reconnus, dont Philippe Wouters et Martin Thibault qui ont au fil des années développés des outils d’éducation brassicole plus avancé. Plusieurs ouvrages écrits par ces professionnels existent et varient en termes de niveau, de débutant à avancer. Pour finir, une recherche rapide sur les sites internet spécialisés telle que l’Uni-Verre de la bière permet évidemment d’en savoir davantage!
Question pour les lecteurs :
Quel est votre source d’éducation brassicole de prédilection? Vous sentez-vous bien informé lors de vos achats de bières?
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